À propos de la Coopérative
Le Bourbon Pointu, dont l’histoire est intimement liée à celle de l’île, aurait pu disparaître si, au début des années 2000, la Coopérative Bourbon Pointu n’était pas née pour reprendre la production en main.
Jean-Pierre Dami y travaille depuis treize ans. Formé en torréfaction, barista et méthodes douces à la Caféothèque de Paris, il a complété sa formation avec plusieurs modules de la SCA. Aujourd’hui, il est le responsable qualité de la coopérative, la seule de l’île à produire aussi bien ce café prisé des torréfacteurs les plus exigeants.
Quel est le point de départ de la Coopérative Bourbon Pointu ?
Des japonais avaient entendu parler dans des livres d’histoire d’un très bon café à la Réunion et sont venus à sa recherche. Un café qui n’était plus produit depuis les années 1950. Et comme ils n’en ont pas trouvé, ils sont allés voir le Conseil Régional pour voir comment relancer ce café. C’est ce qu’il s’est finalement passé avec la création de la coopérative en 2002, avec Monsieur Frédéric Descroix, du CIRAD, à sa tête. Ce très bon café qu’ils cherchaient, c’était le Bourbon Pointu.
Quelles ont été les étapes pour relancer la production de Bourbon Pointu ?
D’abord, il a fallu trouver des pieds mères. Pour ça, il a fallu prospecter dans les jardins créoles. On a trouvé environ 2000 plants de Bourbon Pointu. Après plusieurs tests en laboratoire, 600 plants ont été gardés. Et sur ces 600 plants, le tri s’est fait sur le goût en tasse. 4 pieds ont finalement été retenus, et ce sont ces 4 pieds qui permettent aujourd’hui de fournir les plants aux producteurs.
Ensuite, il a fallu trouver le bon terroir pour que ces plants s’épanouissent, grâce au CIRAD. Il y a eu une phase expérimentale, de 2002 à 2007, qui a consisté à planter des arbres un peu partout à la Réunion, puis de voir lesquels donnaient le meilleur résultat en tasse. Cela a permis de sélectionner un terroir bien défini, dans l’ouest jusqu’au sud de l’île, entre 700 et 1000 mètres d’altitude, pour la production de Bourbon Pointu. Il y fait entre 15 et 19°C de moyenne annuelle, avec une certaine pluviométrie et un certain ensoleillement.
Enfin la dernière chose, c’est la qualité du sol. Aujourd’hui, tout producteur qui veut se lancer dans la production de Bourbon Pointu doit faire valider son sol par la coopérative. Seuls 2 sols sur les 49 types de sol qui constituent la Réunion permettent de produire des grands crus.
Si le producteur est dans la bonne hauteur, avec le bon terroir, alors on lui fournit les plants et il est coaché de la plantation à la cueillette, le tout dans une démarche d’agriculture raisonnée.
La coopérative vérifie toujours que tous ces éléments sont rassemblés ?
On fait en sorte que tous les paramètres soient réunis pour produire du Bourbon Pointu et garantir une certaine qualité, et cela a été le cas pour les 55 producteurs qui travaillent aujourd’hui avec nous.
Qu’est-ce qui fait du Bourbon Pointu un si grand café ?
Déjà, son goût. C’est la première chose, principalement grâce au sol de la Réunion. Après la récolte, nos cafés sont traités par voie humide, cela permet de travailler leur acidité, et de développer les notes de mandarine d’orange ou de pamplemousse caractéristiques du Bourbon Pointu. C’est aussi un café faible en caféine, peu amer.
il y a le sérieux de la Coopérative Bourbon Pointu. Chaque lot est identifié par parcelle et par jour de récolte. Par exemple, Monsieur Payet a deux parcelles, alors on va séparer les lots de ses parcelles. Et un lot, c’est la récolte d’une parcelle à un jour donné. Chaque lot qui entre à la coopérative est suivi jusqu’à la torréfaction. On est actuellement au stade où on peut vendre du café de Monsieur Payet cueilli le 21 octobre 2020, sur la parcelle identifiée à telle altitude. C’est même plus du microlot à ce niveau !
Pour la coopérative, il a toujours été question de faire du café de spécialité ?
Oui, les personnes qui goûtent le café de la coopérative ont été formées par le CIRAD à l’évaluation sensorielle. Ce jury de 8 personnes goûte chaque café qui entre à la coopérative et les note selon plusieurs critères, comme l’intensité aromatique. Cela se fait sur une grille empruntée à l’oenologie que l’on a transposé au café.
Ce qui est intéressant, c’est que toutes ces saveurs que l’on découvre en bouche, elles ont été référencées il y a quelques temps par le Dr. Piccino. Il a fait sa thèse sur le rôle des constituants chimiques du café vert, du terroir et des traitements post-récolte sur la qualité aromatique du Bourbon Pointu. En résumé, il a recensé et classé toutes les molécules du Bourbon Pointu. Et derrière chaque goût, il a retrouvé les molécules. Par exemple, le goût “café” est dû à 36% des molécules du Bourbon Pointu, le goût “chocolat” à 15% et le goût “citron/agrumes” à 11% des molécules.
Est-ce qu’on pourrait produire du Bourbon Pointu ailleurs qu’à la Réunion ?
Déjà, c’est compliqué en dehors de la coopérative. Le plus important pour nous, c’est la traçabilité, jusqu’au jour de récolte, et la garantie de la qualité. Beaucoup de gens se sont mis à faire du Bourbon Pointu sur l’île, mais sans le suivi de la coopérative. Ils surfent sur notre notoriété et le plus souvent, ça nous dessert, nous et la réputation du Bourbon Pointu. Cela a beau être du Bourbon Pointu, s’il a été mal récolté, mal dépulpé, mal torréfié… c’est difficile d’avoir un bon produit.
Alors si on le produit ailleurs qu’à La Réunion… c’est encore une autre histoire. Il y a eu quelques essais par le passé, notamment en Nouvelle-Calédonie. Mais le goût était trop différent à cause du sol. Produire ailleurs qu’à la Réunion pourrait avoir du sens, mais alors le goût du Bourbon Pointu serait différent, ce ne serait plus le Bourbon Pointu de La Réunion.